Pourquoi je parle d’attachement toutes les semaines
Il y a des phrases que j’entends chaque semaine dans mon cabinet de psychothérapies, peu importe l’âge, le genre, la situation :
“Je deviens folle quand il ne répond pas.”
“Je veux aimer mais je fuis dès que ça devient sérieux.”
“Je m’ennuie quand on m’aime trop.”
“Je n’arrive pas à faire confiance.”
On croit parler d’une relation, d’un moment. En réalité, on parle de liens d’attachement, de blessures plus anciennes qui s’expriment au présent. Comprendre ces styles d’attachement, c’est comprendre ses réactions émotionnelles, ses schémas relationnels, et commencer à se réconcilier avec soi.
Qu’est-ce qu’un lien d’attachement ?
L’attachement, ce n’est pas un concept de psy, c’est un besoin vital. C’est ce qui permet à un nourrisson de survivre. Ce qui l’aide à se réguler, à explorer, à construire son sentiment d’exister. Comme le dit Boris Cyrulnik, « Nous ne naissons pas humains, nous le devenons dans les bras de quelqu’un. »
Mais si les bras sont absents, instables, intrusifs, ou incohérents… alors l’enfant s’adapte. Il développe un style d’attachement qui influencera sa façon de se lier plus tard :
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L’attachement sécure permet une relation stable et confiante. La personne a une bonne estime d’elle-même et sait gérer les conflits sans être submergée.
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L’attachement anxieux provoque une peur constante de l’abandon. Ces personnes recherchent une validation constante et peuvent se sentir vite rejetées.
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L’attachement évitant pousse à fuir l’intimité. Il se manifeste par une indépendance excessive, un détachement émotionnel ou un besoin de contrôle.
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L’attachement désorganisé oscille entre besoin et peur du lien. C’est souvent le résultat de traumatismes précoces, de négligences ou de violences parentales.
Pour une illustration douce et claire, je recommande cette vidéo illustrée des styles d’attachement par Fannys. Elle traduit en images simples la complexité de nos fonctionnements affectifs.
Les styles d’attachement et blessures émotionnelles : les liens avec Lise Bourbeau
Je fais souvent un lien entre les styles d’attachement et les blessures de l’âme selon Lise Bourbeau. Non pour enfermer dans des cases, mais pour offrir des pistes de compréhension puissantes :
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Rejet → évitement, suradaptation, sentiment de ne pas avoir le droit d’exister
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Abandon → anxiété, dépendance affective, besoin d’être toujours rassuré
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Trahison / Humiliation → oscillation entre contrôle, méfiance et soif de reconnaissance
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Injustice → besoin de maîtrise, perfectionnisme, rigidité émotionnelle
Ces blessures émotionnelles, quand elles ne sont pas conscientisées, pilotent notre manière d’aimer, de choisir nos partenaires, et même de nous saboter.
On n’a pas à guérir d’avoir été aimé de travers. Mais on peut apprendre à s’aimer mieux.
Ces empreintes peuvent évoluer. Un attachement sécure peut se construire à l’âge adulte, dans une relation réparatrice ou en thérapie. À l’inverse, des expériences de vie traumatiques peuvent fragiliser un attachement qui était jusque-là sécure.
Quand les schémas relationnels se rejouent en couple
Dans mes accompagnements, je vois souvent des couples piégés dans des danses infernales :
L’un poursuit, l’autre fuit. Plus l’un fuit, plus l’autre poursuit.
Chacun croit que l’autre le fait souffrir. En réalité, chacun est en train de revivre une scène ancienne, un besoin d’attachement non sécurisé. Ces mécanismes sont souvent inconscients, puissants, et tenaces.
Ce que je remarque souvent, c’est que ces conflits ne viennent pas d’un manque d’amour, mais d’une difficulté à se sentir en sécurité. L’un cherche la fusion, l’autre a besoin d’espace. L’un veut parler de tout, l’autre se referme dès que l’émotion monte. Et chacun se sent incompris, menacé, mal aimé.
La thérapie relationnelle permet alors de décoder ces réactions émotionnelles, de retrouver un espace sécurisant, et parfois de redonner un sens au projet de couple. Elle aide à rétablir une communication vraie, sans accusation ni justification, pour que chacun puisse dire ce qu’il vit sans se sentir jugé ou effacé.
La thérapie relationnelle : un espace pour guérir ses blessures
En thérapie, on ne joue pas à aimer. Mais on explore comment on s’attache. Le lien entre patient et thérapeute devient parfois un petit laboratoire du lien.
Je ne suis ni une sauveuse, ni une amie. Mais j’offre une présence stable, émotionnellement sûre, où tu peux venir avec tes contradictions, ta peur de déplaire, ta colère, tes doutes. Et où le lien persiste, même quand c’est inconfortable.
Ce cadre, à la fois chaleureux et contenant, permet de revisiter des émotions anciennes dans un espace nouveau. On ne répare pas l’enfance, mais on se donne les moyens de ne plus la laisser gouverner nos choix d’adulte. Petit à petit, on apprend à mettre des mots sur ce qui déborde, à poser des limites, à différencier un besoin affectif d’un appel à l’aide.
« La résilience, c’est quand quelqu’un nous relie à notre humanité. » – Boris Cyrulnik
Cette humanité blessée, cabossée parfois, n’est pas une faiblesse. Elle est notre matière première pour entrer en lien. Et tant que nous respirons, il n’est jamais trop tard pour la rencontrer.
Réparer son attachement pour retrouver l’harmonie
Comprendre ses liens d’attachement, ce n’est pas devenir parfait·e. C’est redevenir libre. C’est pouvoir dire non sans peur, dire oui sans se perdre. C’est choisir des relations qui nourrissent, pas qui blessent.
Et surtout, c’est apprendre à s’offrir à soi-même ce qu’on a toujours cherché chez l’autre : une base sécure.
S’attacher, ce n’est pas être faible. Ce n’est pas perdre sa liberté. C’est oser le lien, en restant connecté·e à soi. Et si l’amour fait mal, c’est souvent parce qu’il rouvre des plaies plus anciennes que l’autre. La bonne nouvelle, c’est qu’on peut les panser. Et qu’on n’est pas seul·e pour ça.